Couple séparé : quelle place pour l’enfant né de l’ex ?

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Un jour deux personnes s’aiment ou croient s’aimer. Elles décident d’avoir un enfant. Puis ces personnes ne s’aiment plus et décident de se séparer.

Pour l’enfant rien ne change. Sur le principe. Il a un père, une mère, sauf qu’ils ne vivent plus ensemble et qu’ils ne les voient rarement ensemble.

Cette séparation se passe parfois bien, souvent mal. Mais ce n’est pas le sujet ici.

L’enfant à deux maisons. Chaque parent applique ses règles, colle ses valeurs. Et l’enfant, adaptable, s’y retrouve très bien. Il reste l’enfant de ses parents.

Jusqu’au jour où de chaque côté on refait sa vie. Maman se remet en couple, papa en fait de même. Puis vient un autre enfant. Un enfant du côté de maman avec son nouveau compagnon et un enfant du côté de papa avec sa nouvelle compagne.

Ces enfants vivent avec leurs deux parents. Et de chaque côté ces parents vivent avec leur enfant. Et de temps en temps, l’autre enfant arrive. L’enfant qui est né de la vie avec l’ex. Ce n’est pas l’enfant du compagnon ou de la compagne actuelle. On dit à cet enfant tu as des demis frères ou sœurs. Mais en fait, c’est lui le « demi-enfant ». C’est lui qui est partagé, pas les autres. Cet enfant n’est d’aucune des deux familles. De l’appartenance à une cellule familiale composée de deux parents séparés, il se retrouve l’exclu des deux nouvelles cellules familiales.

Où est sa place ? Quelle place a-t-il dans chaque nouvelle famille ? Comment peut-il conserver prendre une nouvelle place ? Comment lui laisser (donner ?) une place ?

Malheureusement, dans certains cas, il existe un conflit entre les deux ex. Conflit qui permet le maintien du lien entre les deux ex et qui instrumentalise l’enfant qui peut devenir le médiateur ou tout du moins le messager d’un parent vers l’autre. Ce qui ne fait que marquer définitivement l’exclusion d’une cellule familiale. En effet, le parent qui instrumentalise souhaite que l’enfant appartienne à sa cellule et que l’autre cellule, symbolisée par l’autre parent, soit rejetée et abandonnée. L’enfant doit donc pour faire bonne figure et pour bénéficier d’une bien-traitance n’appartenir qu’à une seule cellule familiale qui n’est pas vraiment la sienne puisque qu’un des parents n’est pas le sien. Il peut arriver que l’autre parent en fasse tout autant. Plaçant l’enfant dans une situation psychologique précaire : tant qu’il n’a pas opté pour la « bonne » famille il n’est nul part, il n’est reconnu dans son statut dans aucune des deux cellules familiales. Son statut le limite au lien qu’il maintient entre les deux ex. Dans ce rôle, si un conflit de loyauté peut s’instaurer, c’est surtout le fait de devoir faire un choix qui est déstabilisant. On le renvoie à l’idée qu’un seul parent mérite d’être aimé, on le place devant un choix qu’il n’est pas ni en position ni en âge de prendre. Conflit de loyauté.. Et l’enfant parfois de régresser vers un stade où « c’était mieux », où le conflit n’existait pas et où on ne lui demandait pas de choisir qui il doit aimer le plus.

Le juge aux affaires familiales ne s’y trompe pas. S’il n’a pas toutes les cartes pour savoir qui des deux parents affabule, ment, triche, manipule, il se fie à la parole de l’enfant dès que celui-ci est en âge de s’exprimer. Il est un peu trop facile de dire que l’enfant est manipulé. Bien sur qu’il l’est. Ne le sommes nous pas tous ? Mais si on garantie à l’enfant qu’il ira là où il se sentira le mieux, les effets de la manipulation disparaissent. Le conflit de loyauté est toujours présent, difficile de choisir entre papa et maman, mais l’enfant choisira –son instinct de survie le guide- vers le parent qui lui semblera le plus apte à le faire sur/vivre. C’est là où la parole de l’enfant doit trouver sa force. En effet quel intérêt de lui demander avec qui il souhaite vivre si on le remet avec le parent qu’il n’a pas choisi avec les risques de représailles psychologiques et physiques que cela peut entraîner ? C’est la rapidité de la réaction face à la demande de l’enfant qui lui libère la parole.

Il n’empêche que ce processus l’oblige à prendre une décision, ce qui encore une fois n’est pas toujours de son âge. Décision qui peut l’obliger à faire une croix sur un des deux parents alors qu’il ne souhaite que dans son esprit demeure le fantasme de la famille idéale, lui et ses deux parents à nouveau ensemble.

Il est donc dommage de déléguer à l’enfant une prise de décision adulte sous prétexte que les parents, immatures, n’arrivent pas eux à prendre une décision adulte. J’ai des enfants en consultation qui n’attendent qu’une chose : qu’un adulte enfin les libère des décisions si importantes. Conscients qu’il n’y a rien à attendre d’au moins un des deux parents, ils se reposent sur le JAF qui devient pour eux le seul adulte digne de ce nom.

Les parents se sont séparés. Cela les regarde. Ils ont leurs raisons. Même si un seul des deux a souhaité cette séparation, le chemin de l’autre doit l’amener à l’accepter. Faire surgir les questions de blessures narcissiques ou de manques affectifs ne fait que placer les deux ex dans une situation de conflit qui perdure… A moins qu’il ne s’agisse en fait de maintenir un lien. Cette situation gâche la vie des deux nouvelles cellules familiales qui se construisent, mais surtout elle empêche l’enfant issu de la relation de ces deux ex de se situer et de garder son rôle d’enfant.

En consultation, il est évident que certains enfants sont réduits à souffrir. Il faut faire souffrir l’enfant, non pas parce que c’est lui qui est visé, mais parce que sa souffrance atteint l’autre parent. Cet autre parent qui a osé partir et qui a osé refaire sa vie. L’enfant a mal, peut importe, le tout est de faire mal à l’autre. C’est ainsi que je récupère des enfants en travail psychothérapeutique auxquels il faut apprendre à faire le tri des informations qu’on leur donne, faire fi des « gentillesses » psychologiques qu’on leur balance pour les déstabiliser émotionnellement. Ces enfants auxquels il faut apprendre à se blinder contre les manipulations psychologiques qu’ils subissent tant le désir de voir souffrir l’autre parent annihile toute perte de repère parental.

Lorsqu’il y a un ou des enfants, se séparer c’est mettre son égo de côté pour ne viser que le bien-être psychologique et physique de(s) enfant(s). C’est être (ou se placer enfin !) dans une relation d’adulte à adulte en faisant tout ce qui est possible pour que l’enfant ne se sente pas « coupé en deux » et que son sentiment d’appartenance à ses deux nouvelles cellules familiales soit au plus près de ce qu’il a ressenti lorsque ses parents étaient encore ensemble. Un enfant n’appartient pas à ses deux parents, mais les deux parents appartiennent à leur enfant, car c’est sur eux que reposent toute la vie future de cet enfant.

Sylvianne Spitzer
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