Minimisation des violences et attachement à l’agresseur

Je vais aborder ici un sujet qui concerne tout particulièrement les situations de violences intrafamiliales, que les violences soient psychologiques, physiques, sexuelles ou les 3 à la fois.

Le constat général, qui fait d’ailleurs partie des critères classiques chez les victimes, c’est la MINIMISATION de la force du vécu traumatique. Et, dans la mesure où l’agresseur est une personne de la famille, l’attachement à cet agresseur qui nourrit cette minimisation. Malgré cette introduction en 2 parties, je ne vais pas spécialement respecter l’ordre car je pense qu’à un moment minimisation et attachement à l’agresseur s’entremêlent.

D’abord ce que j’entends par famille, ce sont les proches, les parents, les grands parents, les oncles et tantes, la fratrie, les beaux-parents, le ou la partenaire et aussi les gens qui vivent souvent sous le toit familial (comme des amis proches hébergés ou qui s’incrustent).

Au sein d’un système familial tout le monde peut subir des violences. Et les violences qu’une personne y subit atteignent indirectement les autres membres de la famille même si ils pensent ne pas savoir (ce que le conscient ne sait pas l’inconscient le subodore).

Déjà il faut appeler un chat « un chat ». Une personne qui subit des violences est une victime. Que vous ayez été dévalorisé.e, harcelé.e, battu.e, violé.e, attouché.e, vous êtes une victime.

Les victimes n’aiment pas qu’on les dénomment « victimes ». D’abord, elles ne se considèrent pas comme telles (puisqu’elles minimisent), ensuite il y a un côté dévalorisant (« comment puis je être victime moi qui suis si fort.e ? »). Mais surtout en acceptant de se nommer « victime », la personne se doit de dénommer l’autre « agresseur ». Or cela est souvent impossible. Simplement penser « mon frère/mon père/ma mère/mon oncle… est un.e agresseu.r.se » est difficile, le dire l’est encore plus.

D’ailleurs la victime dit toujours « j’ai été abusé.e par mon frère » ou « j’ai été battu.e  par mon ou ma partenaire » ou « j’ai été maltraité.e par ma mère ». Le « j’ai » est de trop, car en commençant la phrase par « je » la victime se met en premier dans l’agression. Il est plus facile de dire « je suis une femme ou un homme battu.e » ou « j’ai été violé.e par mon père » que de dire « mon ou ma partenaire me bat » ou « mon frère m’a violé ».

C’est d’autant plus difficile qu’il existe un lien familial entre la victime et l’agresseu.r.se.  Certaines victimes disent « mais c’est ma famille ! », d’autres « mais il y a les liens du sang ! »… Non ! Quelle « famille » et quels « liens du sang » ? L’autre a t il hésité à faire mal malgré ces liens ? Depuis quand être « de la famille » justifie la violence ? Je rappelle que c’est même une circonstance aggravante du point de vue du droit.

Le problème est que la victime lorsqu’elle parle de son agresseur, dit (je prends des prénoms au hasard)  » mon frère, Raphaël » ou « ma mère » ou « mon mari Clément ». Mais jamais la victime ne dit « mon agresseur », « ma maltraitante » ou « le violent ». Tenez, vous victimes, prenez la photo de votre agresseur et plutôt que de la regarder en la dénommant par son statut familial et/ou son prénom, collez lui son étiquette « violeur », « abuseur », « violente »… Ca change la donne non ?

C’est cet attachement, ce lien, qui fait que la victime minimise ce qu’elle a vécu. Tant que la victime reste dans « mon oncle Julien » ou « ma grand mère maternelle » et pas dans « mon bourreau » ou « ma tortionnaire » la victime ne regarde pas a réalité en face. Elle minimise.

Et si elle minimise alors qu’elle a vécu, subit comment voulez vous que l’entourage ne minimise pas alors qu’eux n’ont rien vécu, rien subi. Tonton Violeur a toujours été très gentil avec sa fille, Maman maltraitante, elle, était super engagée dans son association… Il convient alors de désigner l’autre par ce qu’il est ou était. Oui, les gens changent, mais vous aussi. Ont ils changé ou juste ne peuvent ils plus vous atteindre (après tout vous êtes trop vieille pour l’intéresser ou vous êtes marié maman ne peut plus vous enfermer dans le placard) ?

Mais cela ne suffit pas, car la victime aime son bourreau.

Enfin il parait. C’est ce que disent tous les livres sur les violences conjugales. La bourreau aime sa victime et si la victime ne part pas c’est parce qu’elle aussi aime son bourreau.

Mais cela par expérience je n’y crois plus. J’ai discuté avec d’autres professionnel.le.s qui m’ont dit « vous savez dans la famille la violence c’est une histoire d’amour qui tourne mal ». C’est clair, il y a un moment où il y a un dévoiement. Mais moi, et cela n’engage que moi, l’amour de la victime pour son bourreau je n’y crois pas..

C’est grâce à la psychothérapie que la victime va comprendre que c’est tout ce qui lui permet de minimiser qui a justement permis que tout cela arrive. Abusée dès le départ. Trop confiante, trop besoin d’amour ou d’attention dans sa famille d’origine, le fait de savoir que parler ne fonctionnera sans doute pas, que des failles dans lesquelles l’agresseur s’est engouffrée. Oui l’agresseur sait que vous teniez à lui, oui il sait que vous avez besoin d’attention et il vous en donne, oui il sait que vous ne parlerez pas. Vous étiez la proie parfaite et il en a abusé.

la victime sait aussi que parler, dénoncer, se retourne parfois contre la victime. Car oui, la victime dans nos Sociétés est la personne à abattre, c’est celle qui dérange, c’est elle qui remet en question l’ordre…

Alors la victime a le choix, soit elle accepte de se dire victimisée et elle parle pour en sortit, soit elle se tait et elle reste victime à jamais. Mais si elle parle elle doit accepter de faire le deuil de ses relations telles qu’elles étaient. Alors il faut faire face à la réalité, sortir de la minimisation, désigner cet autre par ce qu’il a fait et non ce qu’il est, entrer dans la colère, puis la tristesse (pas celle que la victime vit déjà, la tristesse de la fin de la famille idéale), puis accepter et enfin passer à autre chose : du bonheur car vous y avez droit.

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Une réflexion au sujet de « Minimisation des violences et attachement à l’agresseur »

  1. Merci beaucoup,je comprends mieux le mécanisme qui conduit à minimiser le rôle de l’agresseuse,il est important pour ce détacher de l’emprise de trouver un mot pour la qualifier.

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